mercredi 31 décembre 2008

La veritable histoire des skinheads


Loin des clichés, tous les skinheads ne sont pas racistes ou adorateurs d’Adolphe Hitler. Seule une partie du mouvement à basculé du coté de l’extrême droite. Pour comprendre l’apparition du mouvement skinhead, il faut connaître l’histoire des contre cultures britanniques de l’après guerre. Petit retour en arrière...

Les origines

La société de consommation, dont la jeunesse est le pilier, vit au rythme de l’explosion de la Pop. Les parents sont dépassés, les valeurs bourgeoises en prennent un coup et toute la jeunesse des sixties est concernée, enfants d’ouvriers compris. En parallèle de l’explosion Pop, de l’apparition des radios libres (la mythique Radio Caroline), une opposition se crée entre les enfants du rock and roll : il s’agit des Rockers, et des Mods. Cette opposition trouve une traduction dans les spectaculaires bagarres sur les plages de Brighton, ou les jeunes se retrouvent le week end (à ce sujet, voir le film Quadrophenia). Le Rocker suit le modèle Marlon Brando, façon équipée sauvage. Motard en perfecto, il choque les vieilles dames et la bourgeoisie anglaise. Il s’identifie au modèle américain.

Le groupe phare de leurs rivaux, les célèbres Who, représentent de façon fidèle ce que sont les Mods anglais : des jeunes gens propres sur eux (ils s’habillent comme les bourgeois, ce qui choque, venant de fils d’ouvriers…), qui produisent une musique qui peut s’avérer explosive (les Who ont inspiré musicalement les premiers punks). Les mods sont les précurseurs de toute une symbolique devenue légendaire, du scooter Vespa au polo Fred Perry. Ils sont fous de pop et sortent tous les soirs de la semaine (rythme tenu grâce aux amphétamines), parfaits représentants de cette jeunesse consommatrice, cible des publicitaires. Enfin, une frange se prend de passion pour la soul américaine et la littérature française, contrastant avec le goût immodéré pour l’Union Jack, repris sur tous leurs accessoires.

Durant les années 60, il existe également d’autres tribus rock, comme les Teddy Boys. Ceux-ci se trouvent à mi-chemin entre les deux modèles décrits ci-dessus.

Les mods traînent une image assez paradoxale, entre pop et violence. Il existe des ponts entre la violence des mods et les débordements constatés (déjà) dans les stades de foot anglais. Cibles des tabloïds, traînant une réputation de mauvais garçons, parfois violents, parfois drogués, mais en même temps si dociles face à cette spirale de la consommation, ils sont très sages politiquement, loin de l’agitation de 1968. C’est durant cette période que d’autres influences apparaissent. C’est le summer of love, le phénomène hippie franchit l’océan et il va séduire de nombreux mods : Le Swinging London est la nouvelle tendance. Le mouvement psychédélique embarque avec lui un nombre important de mods, plutôt bourgeois et opposés à la violence. Et les autres ? Ils se radicalisent et prennent leurs distance avec les hippies : ce sont les hard mods. Ce sont en partie ces jeunes la qui créeront le mouvement skinhead dès la fin des années 60.

Le mouvement Skinhead.

Contrairement aux autres contre-cultures, et en opposition aux « babacools », c’est un mouvement qui concerne les enfants d’ouvriers. Il naît au contact des jeunes immigrés jamaïcains qu’ils côtoient dans les mêmes quartiers. Ces quartiers vivent aux sons venus de Kingston : du Ska principalement (musique précédant le reggae, plus rapide et parfois proche de la Soul américaine) mais aussi du Rocksteady. Les jeunes Skins s’inspirent des jeunes Rude Boys jamaïcains, empruntent le look Gangster des Wailers. Ils créent un rapport à la rue et revendiquent leurs racines ouvrières. Passionnés de football et de musique, ils cherchent perpétuellement à choquer.

Les cheveux sont ras, opposés à ceux des hippies (l’anecdote raconte qu’ils n’offrent pas de prise à l’adversaire en cas de bagarre). Les codes vestimentaires sont fondamentaux : les fameuses Doc Martens, le jean Levi’s, la veste Harrington (veste légère noire, avec des motifs tartans à l’intérieur), les polos et chemises Ben Sherman, ainsi que d’autres accessoires paramilitaires.

C’est également le début de la politisation de ces mouvements de jeunes. Dans le contexte bouillonnant de 1968, des ponts se créent entre certains hippies et révolutionnaires d’extrême gauche. Le mouvement Skinhead est radical mais loin d’être ancré à l’extrême droite. Les textes des groupes Skinheads de l’époque sont parfois ambigus, mais il n’existe pas de trace de racisme, de percée fasciste ou néo nazie dans le mouvement.

En plus du Ska, et d’un reggae exclusivement produit pour les Skins anglais, le Skinhead reggae, une nouvelle musique apparaît, tendance dure du rock de l’époque, la Oi. Les groupes phares sont les Sham 69 ou encore les Cockney Rejects. Cette musique devient un outil de communication pour les skins : il évoque le désarroi de la classe ouvrière, la dureté du quotidien, ou encore la critique de la bourgeoisie. Certains morceaux deviennent des hymnes pour les matchs de foot… et plutôt pour les hooligans.

Bien avant les punks, les skinheads rejettent le conformisme et font de la provocation une de leur principale valeur. Le mouvement joue sur la fierté d’appartenir à une classe, celle des ouvriers, mais aussi sur le positionnement en marge de la société, loin des codes et des normes établies. Les skinheads deviennent à leur tour les cibles de la presse à scandale. Bagarres, faits divers, hooliganisme ; les Skinheads sont à l’origine de tous les problèmes pour les journalistes. Niveau drogues, les Skins restent fidèles, comme les mods auparavant, aux amphétamines (le LSD étant une drogue de « hippie »). Au tout début des années 70, le mouvement s’essouffle ; les faits divers, mais surtout la fin d’un cycle, comme tout effet de mode, lui porte un coup presque fatal.

Il faut attendre l’explosion du mouvement punk, en 1977, pour que les Skins réapparaissent. Des ponts existent entre les « tondus » et les punks britanniques. La Oi connaît une nouvelle vague d’artistes, comme The Oppressed, ou The Business. C’est également la période du revival Ska, avec les immenses succès de Madness et des Specials. C’est à ce moment qu’intervient la récupération politique du mouvement et sa dérive vers l’extrême droite. Mouvement métissé, antiraciste par nature, il dévie rapidement, continuellement dans la surenchère et la recherche de provocation. Le groupe Skrewdriver, et son chanteur Ian Stuart, ouvre la voie néonazie et fait des émules. Le mouvement Skinhead, est, pour de bon, entaché par sa mauvaise réputation.

Montrés du doigt par le grand public et les journalistes, les skinheads suivant le modèle originel (Trojan Skins) se défendent, les Sharp (SkinHeads Against Racial Prejudice) s’organisent et enfin les Redskins (Skinheads Communistes et/ou anarchistes) apparaissent, en conflit ouvert avec les skinheads nazis.